EX ORIENTE LUX Des lampes phéniciennes aux lumières de l’Islam Chefs-d’œuvre d’Egypte et du Proche-Orient de la Collection Bouvier

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L’exposition conçue et présentée en première dans la nouvelle Salle de la Collection des Moulages de l’Unité d’Archéologie Classique de la Faculté des Lettres de l’Université de Genève, avec le généreux soutien de l’Association Hellas et Roma, a pour ambition d’offrir au grand public, de façon séduisante, une approche synthétique de l’évolution des lampes en terre cuite d’Egypte et du Proche Orient entre le VIIIIe siècle av. J.-C. et le XIVe siècle ap. J.-C.

Aussi, ce sont plus de vingt-deux siècles non pas d’éclairage, mais bien d’histoire humaine qui sont contés à travers près de deux cents artefacts inédits issus de la collection Marc, Jean-François et Malou Bouvier (Neuchâtel), constituée en Egypte, Syrie et Liban par Maurice Bouvier, Professeur de Droit à l’Université d’Alexandrie jusqu’en 1950.

Mondialement connue pour son corpus unique de tissus coptes, dont les chefs-d’oeuvre ont été exposés dans les plus grands musées de Suisse, de France, des U.S.A. et du Japon, la collection Bouvier est également forte d’un corpus de plus de 800 lampes à huile, sur lequel nous travaillons en vue d’une publication exhaustive.

Ce corpus est, à nos yeux, l’une des collections lychnologiques les plus complètes concernant les productions d’Egypte, du Liban et de Syrie, de la période phénicienne jusqu’à la période mamelouke. Tous les grands types connus y sont représentés et, de plus, de nombreuses variantes inédites viennent compléter nos connaissances sur les lampes de ces régions, fort peu étudiées en comparaison avec celles d’autres horizons géographiques.Le mérite en revient au collectionneur, archéologue bien plus qu’amateur, véritable érudit en la matière, qui a réussi à réunir des pièces illustrant toutes les grandes périodes, mais aussi les spécificités locales de l’Egypte et du Proche-Orient, depuis l’époque phénicienne jusqu’aux dynasties fatimides et mamelouk. Il ne s’est point attardé, comme beaucoup de ses confrères, à faire une récolte de luminaires basée sur telle iconographie ou encore telle série épigraphique.

Ce corpus lychnologique est ainsi sans aucun doute l’un des plus complets et représentatifs au monde – en dehors des collections publiques des pays concernés (toutes inédites) – et ne trouve de parallèle, en Europe, que dans la collection Benaki d’Athènes, elle-même presque intégralement inédite. Pour l’anecdote, Bouvier et Benaki étaient de fervents « compétiteurs » auprès des antiquaires de la place, et l’on rencontre de nombreux parallèles entre les exemplaires des deux collections.

L’exposition genevoise se propose de faire découvrir aux passionnés et aux simples amateurs d’histoire et d’archéologie plusieurs sujets d’un grand intérêt.

En premier lieu, il s’agit de rappeler que le Proche-Orient est la région d’origine de la naissance de la lampe à huile, un artefact qui deviendra si commun dans le monde méditerranéen dès l’Antiquité classique.

Puis, à travers la séquence comprise entre la fin de l’époque classique et les premières décennies suivant la fondation d’Alexandrie, le public saisira les conséquences irréversibles, pour l’Egypte et la région, de l’épopée du conquérant macédonien. L’adoption, par les ateliers locaux, de la technique du moulage et des typologies hellénistiques, en est le premier signe tangible, rapidement suivi par la création, par ces mêmes ateliers, de formes, de détails et de motifs inédits dans le reste du monde des Diadoques.

Ensuite, l’exposition permettra de s’attarder sur le rôle fondamental qu’a joué Alexandrie dans le monde romain. Véritable « New York » de l’Empire, la métropole est un carrefour de civilisations, de cultures, de religions et de courants artistiques, tant d’éléments dont les formes et les décors, parfois surprenants, des lampes à huiles sont de fidèles reflets. Dans le domaine spécifique des cultes Isiaques, Alexandrie donne le ton et lance sur le marché des scènes et des représentations qui ont tôt fait de conquérir les autres provinces de l’Empire.

En parallèle, fait unique par ses proportions et sa durée, le public observera le rejet des « standards universels » de l’époque et la fidélité aux traditions d’une grande partie de la société égyptienne, qui restera étonnamment indifférente aux productions romaines et où les lampes dites « grenouille » seront produites et utilisées en masse durant près de quatre siècles.

Puis, la religion chrétienne des origines, révèlera son faciès égyptien, celui-là même qui a suscité rapidement l’engouement des communautés monothéistes du monde romain. La vénération de Saint Ménas en particulier, ainsi que le monastère qui lui est consacré, font dès l’Antiquité tardive l’objet de pèlerinages de croyants venus des quatre coins de l’Empire d’Orient, mais aussi de Rome.

Les lampes coptes, aux motifs uniques et aux inscriptions sacrées particulières, dédiées à Ménas et à d’autres martyrs locaux, témoignent de ce phénomène.

Du côté du Proche-Orient, la collection Bouvier permet de découvrir la richesse et la diversité des particularismes micro-régionaux : les lampes byzantines de Jerash, du Liban, de Palestine ou encore les productions d’Emèse (Homs) révèlent autant de sensibilités différentes chères aux populations locales.

Un autre phénomène, crucial pour la Méditerranée méridionale, que les lampes permettent d’observer est celui des années de transition entre la domination byzantine et la conquête omeyyade. On y remarque d’une part la continuité des grands types de lampes, mais surtout, d’autre part, la différence des détails et des motifs témoignant du changement de religion, ainsi que le retour progressif mais définitif à l’ancestrale technique du tour.

Dans ce registre, les lampes à inscriptions sont des éléments fondamentaux pour la compréhension du culte chrétien de l’époque. On peut y lire « La bénédiction de la mère de dieu soit avec nous / Inscription (en l’honneur) de Jean » ou encore « Que la lumière de la lampe vous éclaire / (gloire) à la lumière du Seigneur ».

Immédiatement après la conquête musulmane de la région, les inscriptions arabes perpétuent cette tradition : « Eclaire, ô lampe et ne t’éteins pas et illumine de ta clarté », mais aussi, parfois, le nom de l’artisan qui les a confectionnées : « Faite par Nuthour, fils de Stafan, à Jerash ».

Enfin, le parcours se terminera par la séduisante polychromie des lampes mamelouks aux glaçures polychromes, dont les tonalités de vert et de bleu constitueront le bouquet final de la présentation.

Commissaire: Priv.-Doz. Dr. Habil. Laurent Chrzanovski, spécialiste des lampes antiques.